samedi 26 janvier 2008

Le cercle des poètes disparus

Etrange titre pour un film tout aussi étonnant. Je croyais que l'écrit précédait la mise en scène, il n'en est rien : le script reprend tout simplement certains éléments de la vie du scénariste, le roman du même non a été rédigé suite au succès du film. Quoi qu'il en soit, j'ai regardé à nouveau ce film (sans doute pour avoir lu dans Pennac, Chagrin d'école, qu'il fait partie des plus appréciés par les élèves du secondaire).

Je me sens bête de l'écrire, mais c'est un fait : ce film réveille en moi des émotions très fortes et secoue des angoisses toujours vivaces.

La première, je crois, est la peur de décevoir. Je me sens infiniment solidaire de ces jeunes internes, si soucieux de réussir, si sérieux, si professionnels. Les voilà, les élèves dociles et inquiets de leur avenir dont notre société rêve.
Fais bien tes devoirs, et tu iras à Harvard. Mais plus important : sois sage à l'école et tu accompliras les rêves que ton père et ta mère font pour toi. Tu es le récipiendaire de leurs espoirs donc de leur amour ; déçois-les et tu seras affectivement abandonné puisqu'étranger à leur adoration. Avec tout le mal qu'il se donnent pour toi, c'est le moindre de tes devoirs que de rammener de bonnes notes et un carnet exemplaire !

La peur de décevoir, pourquoi ? parce que si je te déçois (si je n'accomplis pas ce rêve que tu poses sur mes épaules), papa, maman, alors je ne mérite plus d'être ton enfant, je n'existe plus à tes yeux, je ne suis rien et n'ai qu'à partir de ce monde, puisque je n'avais pas d'autre raison d'être. J'ai la permission d'exister si je suis à la hauteur de ce que tu attends de moi.

Ensuite vient l'attachement au professeur. On l'oublie rapidement au sortir des classes, mais le professeur fait la pluie et le beau temps pour les élèves. Sourit-il d'un air encourageur ? Me voilà prêt, si lui -ce professionnel de l'évaluation - pense que je fais bien alors papa, alors maman, tu penseras de même. Commente-t-il d'un air désapprobateur ce devoir que je rendis ? de mauvais augure pour l'épreuve cruciale - une épreuve d'amour - qui m'attend à la maison. Et plus encore : il est une fenêtre ouverte sur le "grandir", il est le juge de paix, le tout-puissant scribe de nos années d'écolier, le roi organisant sa cour des plus fidèles au cancre en dressant le tableau de chasse des bons points. Il est celui qui chapeaute la naissance de l'enfant en tant qu'être social (ce n'est que plus marqué en internat, alors que le jeune est loin de la juridiction parentale).

Enfin, il y a dans ce fim la douleur de grandir. Les interdits que l'on transgresse, la découverte de l'amour, la rébellion face à l'autorité, le sentiment de vivre en prison, autant de crises que nous ne passons pas tous sans séquelle.

dimanche 20 janvier 2008

Bobby Fischer est mort !


Ironie du sort, le premier professionnel des échecs, obsédé par ce jeu au point d'y consacrer toute son énergie et de se mettre au ban de la société américaine, s'est éteint vendredi en Islande à l'âge de 64 ans.

Le voici en 1970, lors du célèbre match qui l'opposa à Spassky et qui le consacra champion du monde.

Je ne peux m'empêcher de repenser à ce film, Searching for Bobby Fischer, que j'ai vu il y a de nombreuses années, alors que je participais encore à ces tournois d'échecs "jeunes" avec l'ambition de prouver à tous que je pouvais gagner, dès lors que les règles étaient inébranlables. Gagner à la régulière contre tous ceux qui m'intimidaient, ceux que je n'osais considérer en égal, ceux qui tentaient d'impressionner l'enfant que j'étais et de s'imposer à la classe comme le leader, le détenteur du juste et du bien. Ceux à qui je donnais tort sur l'échiquier, le plus calmement du monde.

Comme le héros du film, j'aimais l'idée que les soixante-quatre cases ne disaient que la vérité, ne maquillaient rien, même en blitz, o le bluff et l'intimidation restent des armes de premier choix.

Mais Bobby Fischer, ne fût jamais un héros ou un modèle à mes yeux ; il en va de même pour ce personnage de Zweig, dans Le joueur d'échecs, dont j'ai oublié le nom. Je préférais la discipline de fer et la ténacité d'un Gary Kasparov, ou passe encore la froide rigueur d'un Anatoli Karpov, aux frasques capricieuses d'un génie, si original soit-il. Rendons hommage, lecteur, à un homme hors du commun, mais n'en faisons pas pour autant un martyr.

Le cauchemar de Darwin

Voilà un film qui fait réfléchir. Je viens de le regarder. Quel choc !

Quel contraste, honteux, scandaleux, insupportable, quel sentiment d'injustice, quelle lassitude !
Moi qui ce matin encore me plaignait de ne pas exister. Moi qui pas plus tard que hier soir débatait en toute politesse et en toute innocence de l'importance de la redistribution des richesses en France, défendant de tout mon coeur l'imposition raisonnée, pourvu qu'elle ne viole pas le droit d'un homme ou d'une femme à faire bénéficier sa descendance des savoirs et des conditions matérielles de sa famille ! "La famille est le noyau premier, indivisible et indispensable de toute société", m'évertuais-je à démontrer, entre le troisième et le quatrième plat d'un copieux repas dans un de ces restaurants "nouveaux riches" horriblement surchargés en manières et en fausses politesses... Quelle vanité !


Voilà l'affiche du film. Anodin ? Métaphorique ? ou pire, politique et démagogue, me diras-tu, cher lecteur généreux et soucieux de ton prochain, las des récis-catastrophes montés en épingle de notre journal télévisé national ?

Simple, direct, vrai.
Le poisson ? La perche du Nil - Lates Niloticus, de son petit nom, charmante espèce invasive qui, en quelques dizaines d'années, a exterminé quelques 200 espèces indigènes du Lac Victoria pour réduire à pas grand-chose l'écosystème du lac, devenant au passage la principale exportation de la Tanzanie en direction de nos assiettes d'européens humanistes.
Sa carcasse ? Séchée, puis cuisinée dans l'huile et bouillie (le procédé dégradant au passage singulièrement la santé des pauvres bougres chargés de le conduire... ah non, ce n'est pas ça l'information importante pour l'U.E., messieurs-dames, puisque les usines de conditionnement pour l'export, elles, sont au top niveau !), c'est la principale source d'alimentation des villages entourant le lac.
Le fusil ? voilà enfin une source stable de revenu, pour les compagnies aériennes russes affrétées pour le transport du poisson ! L'aéroport de Mwanza, plaque tournante du commerce de la région, est soupçonné de servir de point d'entrer pour le trafic d'armes avec les pays voisins (Angola, Ouganda).

Ma réaction face à ce film (qui n'est pas un documentaire, notons-le bien) est violente, excessive. Comme pour toute oeuvre de ce type, des contre-enquêtes remettent en cause la pertinence de certaines interprétations et soulignent le biais introduit par l'orientation politique du cinéaste (alter-mondialiste). C'est leur devoir. Le mien est de réagir, de m'informer, de t'informer aussi, toi, lecteur, si tu es passé à côté de ce morceau de notre humanité, ce morceau de nous.

samedi 19 janvier 2008

La Syphonnée Fantastique


C'est le nom que lui donne les musiciens de l'orchestre de Paris, entre eux, pour rire. J'ai pris la liberté de choisir l'orthographe à mon goût. Je crois, comme eux, que l'on peut railler - gentillement - les plus grands, et que plus grande est l'admiration, plus cynique sera le trait d'humour qui s'y réfère. Raymond Devos disait souvent qu'on "peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui".

Lecteur, regarde le petit Hector, et dis-moi : vois-tu déjà, dans le regard de l'enfant, l'amant fou et le compositeur acharné ?

Je ne me lasse pas de lire le programme de cette symphonie.
"L’auteur suppose qu’un jeune musicien, affecté de cette maladie morale qu’un écrivain célèbre appelle le vague des passions, voit pour la première fois une femme qui réunit tous les charmes de l’être idéal que rêvait son imagination, et en devient éperdûment épris. Par une singulière bizarrerie, l’image chérie ne se présente jamais à l’esprit de l’artiste que liée à une pensée musicale, dans laquelle il trouve un certain caractère passionné, mais noble et timide comme celui qu’il prête à l’être aimé..."

Si l'on cite souvent ce texte, si l'on écoute souvent d'une oreille distraite cet "Episode de la vie d'un artiste", on oublie parfois que Berlioz fût longtemps mal-aimé du public français. Paradoxalement, c'est à la cour du Tsar qu'il eut l'occasion de faire valoir son génie de l'orchestration.

"Déjà, je sens se mettre en jeu, malgré moi, la singulière faculté dont je suis doué, de penser la musique si fortement, que j'ai pour ainsi dire à mes ordres des exécutants imaginaires qui me meuvent comme si je les entendais en réalité." (Retour à la vie, Mélologue faisant suite à la symphonie fantastique. Disponible sur Gallica, le site de la BnF).

Voici le quatrième mouvement.



J'espérais enfin exister, enfin traduire mon amour par des mots. Espoir déçu. Pour moi le point d'orgue fût celui de la marche au supplice. J'ai pansé et guéri cette plaie, reste à accomplir le retour à la vie. En attendant, la syphonnée, c'est moi, et le fantastique, j'ose espérer que c'est pour bientôt !

Pourquoi maintenant ?

Organiser sa pensée, communiquer une passion, épancher ses joies et ses colères, critiquer, analyser, "forwarder", commenter, discuter... Les "bloggers" avertis - je préfère parler de chroniqueurs - trouveront nombre d'excellentes motivations pour confier à la toile leurs billets. Je les en remercie ; grâce à eux j'ai prétexte à ouvrir ce journal.

Dans ce cas, "connectée" de la première heure que je fûs - merci papa, pourquoi avoir tant attendu ?

Il me faut en toute rigueur répondre dans l'ordre, en commençant par les causes. Pourquoi un journal ?
Besoin d'exister, je pense. Besoin de dire, de décortiquer, et d'évoquer ces faits quotidiens qui font le bagage de mes rêves, je suppose. Pourquoi solliciter l'audience et les réactions de tout un chacun ? Soyons honnête, la sollitude a ceci de confortable qu'elle ne contredit ni ne remet en question.
Dans quel but ? D'abord - ne nous en cachons pas, me faire plaisir. C'est avec nostalgie que j'ai quitté les bancs de l'école, ses dictées, ses cours d'histoire et de littérature, ces copies marquées de rouge. J'aime ouvrir à nouveau mon dictionnaire, chercher à mieux formuler mes propos, et découvrir autre-chose que ce que le monde du travail met sur ma route. Ensuite, partager, éprouver et confronter. Ma vision du monde à la tienne, mon état d'esprit d'aujourd'hui à celui de demain. Enfin, l'imprévisible est la saveur des rencontres : l'internet m'ouvre les portes d'un monde plus vaste que celui que je peux imaginer.

Lecteur, je te prends à témoin de mes torts, mes travers, mes préjugés et mes fautes d'orthographe ! Fais-moi l'amitié de piquer au vif cette anonyme dématérialisée, cet embryon d'être critique, ce bloc en bois brut pétri de défauts, de regrets et de doutes ! Surprends-moi, secoue-moi, je t'en prie.

Je vois d'ici ta moue désapprobatrice et ton scepticisme grandissant : "encore des lignes creuses, encore de l'encre - ou plutôt quelques kilooctets - gaspillée en vains constats nombrilistes".

N'aie crainte, il me tarde d'enrichir ces pages d'un contenu tangible : musique et coupure de presse, nouvelles et anecdotes, réflexions et illustrations variées des oeuvres et des auteurs que, pour nous deux, je convoquerais.

Il est temps de clore cette introduction et d'entrer dans le vif du sujet. Maintenant. Pourquoi ? je ne sais toujours pas...

Création d'un journal

Lecteur de ces lignes, tu assistes à une naissance banale en ces temps de digitalisation effrénée, mais néanmoins singulière pour moi : il s'agit de mon premier journal informatisé.